samedi 7 février 2009

Dans lequel un nouveau conteur conclut


Pierrot est chez son oncle et sa tante pour échapper aux bombardements sur Brest. Il a malencontreusement laissé s'échapper le cochon familial ce qui a provoqué la colère de sa tante. Celle-ci l'a menacé de « l'envoyer à la Dame Blanche ».Le soir, alors qu'ils rentrent à la maison, l'oncle accepte de raconter.
L'histoire commence donc il y a très longtemps. Des naufrageurs habitaient alors dans la région.Pendant leur retour à la maison, son oncle raconte à Pierrot le naufrage d'un navire Hollandais, chargé d'oranges. Pierrot comprend, malgré les silences de son oncle, que quelque chose de terrible est arrivé au jeune capitaine de ce vaisseau.
L'épouse du capitaine arriva peu après à Audierne, car quelque chose lui paraissait étrange dans cette histoire de naufrage. Un groupe d'hommes rencontrés « chez Jeanne Plomb » accepte de la conduire sur les lieux le lendemain.
En rentrant chez sa tante avec son oncle, alors que la nuit tombe sur la lande, Pierrot s'inquiète pour elle qui doit rentrer seule dans la nuit.
Alors qu'elle se prépare pour son rendez-vous, l'épouse du capitaine est prévenue par la maréchaussée que Paol a été retrouvé mort au pied de la falaise. Pierrot écoute son oncle en regardant évoluer une chouette effraie dans le ciel.
Le lendemain, alors qu'ils se rendent à la messe, Pierrot écoute son oncle lui raconter comment le second gredin a payé sa dette.
« Mes très chères soeurs, mes très chers frères, n'oubliez pas que la semaine prochaine nous nous rendrons en procession jusqu'au phare de Pors Poulhan. C'est à la demande des veuves de marins de la commune. »
Le premier rang opina du chef. Il était constituée de femmes de tous âges, n'ayant pour unique point commun que la tenue austère et noire, la peau ridée plus que de raison, burinée par les larmes et les embruns à force de scruter l'horizon.
« L'évêché a accepté cette procession à la seule condition qu'aucune histoire de dames blanches ... »
Un murmure désapprobateur parcoura l'assistance, le premier rang frémit. Pierrot se tourna vivement vers son oncle. Si même le curé en parlait de la Dame Blanche...
« ...ou d'autres êtres tirées de l'imagination fertile des Celtes et leur descendants ne soient nommés. Ils ont été très clairs là-dessus ! Maintenant partez en paix ! »
« Comme si ne pas parler de la Dame Blanche allait la faire disparaître ! Ils me feront toujours rire ces curés !
- allons, parle pas comme ça devant le gamin ! » Pierrot regarda son oncle puis l'homme qui venait de les accueillir chez « Jeanne Plomb » par ces mots.
« Ben quoi c'est pourtant vrai, que malgré les menaces des curés, des évêques et des papes, les Korrigans sont toujours là ! Leurs histoires sont pas bien différentes de celles des druides en fait, ils se bouffent le nez, mais racontent tous des histoires qui ne nourrissent pas vraiment le ventre.
- Allons, parle pas trop comme ça devant l' Pierrot !
- A c'propos il sait pourquoi le curé veut faire une procession jusqu'à Pors Poulhan le petit ?
- ben pour l'anniversaire du phare pardi ! » Pierrot était n'était pas peu fier de répondre à cet homme. C'était sa tante qui lui avait dit à la sortie de la messe que le phare de Pors Poulhan était récent et qu'il en avait sauvé des vies depuis qu'il était là. Les veuves avaient demandé au curé d'y aller en procession pour remercier la bonne mère de 'avoir mis là ce phare. A ces mots son oncle avait grimacé. Il ne paraissait pas tout à fait d'accord, et il lança à l'attention de sa femme « remercier la vierge ou bien la Dame Blanche ? ». Celle-ci lui fit les gros yeux et lui dit de filer au troquet où il devait être attendu. « et puis emmène le petit avec toi ! Comme ça je ne l'aurai pas dans les jambes pour préparer à manger ! ». Pierrot fut ravi d'être autorisé à retourner chez « Jeanne Plomb ».
Pierrot était maintenant installé devant une bolée de cidre, et les deux hommes continuaient leur conversation.
« T'as dit ça à ta femme ?! En même temps t'as p't'être bien raison, il se pourrait bien que les veuves aient eu vent du courrier de Hollande reçu par le Procureur... » à ces mots le compagnon de son oncle prit un air de conspirateur. Il lança quelques coups d'oeil par-dessus son épaule et interrogea du regard l'oncle de Pierrot.
« le petit connaît l'histoire ?
- pas tout je n'ai eu le temps de lui raconter que jusqu'à l'histoire chez l'usurier, j'prends des précautions tout d'même il est petit alors j'essaie de rester correct pour ses oreilles. J'voudrais pas avoir trop de cauchemars la nuit. Sa mère est à Brest, alors heu...
- donc il ne sait pas que c'est là que le troisième est mort ?!
- non, je te dis que je n'ai pas eu le temps, mais si tu veux raconte-lui, toi si tu veux !
- bon d'accord. Oh ! Jeanne ! Remets nous ça tu veux ? On risque de s'assoiffer avant longtemps! L'histoire risque de durer un peu » ajouta t'il à l'attention de Pierrot. Celui-ci observa avec attention l'homme. Il était plus grand que son oncle, mais avait la même peau tannée par le vent salé.
« Le soir du drame chez l'usurier, les gendarmes cherchèrent à parler avec le compagnon de Paol et de la victime du jour. Ces trois-là étaient toujours fourrés ensemble, et donc ils espéraient en savoir plus grâce à lui. Deux morts en deux jours, ça commençait à faire beaucoup, et ils se demandaient si une histoire n'aurait pas mal tourné entre ces trois-là.
Des hommes dirent l'avoir vu sortir précipitamment du troquet après que la rumeur du drame abominable parvenu dans l'après-midi. Les gendarmes commencèrent à trouver que tout cela sentait le roussi et se lancèrent à sa recherche. Quelques uns se dirigèrent vers la grève, les autres empruntèrent le chemin côtier après avoir fouillé en vain le port. Au loin, le soleil se couchait sur les îlots de la baie. Dès la montée passée, l'atmosphère se rafraîchit. Les gendarmes se surprirent à grelotter. Pourtant la soirée était belle. Et en arrivant au promontoire rocheux, ils virent !
Une chouette effraie volait en larges cercles au-dessus d'un corps à terre. À leur arrivée, la chouette disparut rapidement vers la lande. En la suivant du regard, les gendarmes aperçurent une ombre blanche au loin, ombre vers laquelle volait à tire d'aile la chouette. En passant à proximité elle laissa tomber un doigt.
« Après c'est devenu encore plus bizarre, » continua le compagnon de son oncle « un gendarme parmi mes ancêtres m'a fait parvenir de drôles d'histoires autour de cette dame blanche. Tout d'abord, lorsqu'ils retournèrent à Audierne pour reparler avec la jeune veuve, ils apprirent qu'elle avait purement et simplement disparu. Elle n'était pas partie, non, personne ne l'avait vue prendre le train ni même sortir de l'hostellerie du Roi Gradlon.
La deuxième chose bizarre c'est le Procureur qui la reçut. C'est un courrier de son homologue hollandais le remerciant de bien vouloir mettre tout en œuvre pour faire toute la lumière sur cette histoire de mutinerie. Il finissait son courrier en informant le Procureur que le malheur était le plus complet pour la famille du capitaine car sa jeune veuve s'était éteinte de chagrin en quelques jours, après l'annonce du naufrage.
- mais si elle était morte ? » demanda prudemment Pierrot,
- ben oui, c'est ce qu'il s'est demandé le Procureur... Si la veuve était morte qui diable avait bien pu rencontrer les gendarmes... et puis là où cette histoire de procession à Pors Poulhan est vraiment curieuse c'est que l'on dit que ce phare fut construit grâce à un héritage, dont personne ne sait trop rien, si ce n'est que la donatrice était une jeune femme de Hollande ayant précisé dans son testament : « Pour que tout ceci n'arrive plus jamais et que les veuves puissent dormir en paix, comme moi désormais. »
La semaine suivante, Pierrot participa à la procession comme les trois quarts des habitants d'ailleurs. Aucune référence à la Dame Blanche ne fut faite ou alors pas assez fort pour que le curé ne s'en émeuve, ce qui revenait au même pour les veuves : elles avaient eu leur procession et tout s'était bien passé.
Puis à la fin d'octobre sa mère vint rechercher Pierrot. Brest avait été libéré, la reconstruction battrait bientôt son plein et on avait de l'espoir car le boulot ne manquerait pas (pour l'instant tout paraissait aller beaucoup mieux, mais bientôt un homme mourrait sur ces chantiers). Il était donc temps pour Pierrot de rejoindre sa famille.
En partant il se tourna vers son oncle et sa tante. Les regarda avec une profonde attention, et demanda à sa mère :
« tu as déjà entendu parler de la Dame Blanche ?
- je le savais que ces deux-là ne pourraient pas s'empêcher de te raconter des sornettes !
- des sornettes ? Mais maman !
- ah non hein ! Plus un mot ! J'espère qu'ils ne t'ont pas fait trop peur quand même !
Source image (je sais c'est l'inverse qu'on devrait avoir) : Gaël Fontana

12 commentaires:

  1. J'èspère que tout ce feuilleuton sera dans Vendredi !

    RépondreSupprimer
  2. Joli conte vraiment ! quelle imagination et quel récit bien structuré !!!

    RépondreSupprimer
  3. J'aime beaucoup cette écriture... Avec un petit café et une tartine de confiture, c'est miam pour attaquer un dimanche.

    Bonne journée

    RépondreSupprimer
  4. @Jean si jamais (mais franchement ça m'étonnerait) je paie le kipik et même les bouts de pain de mie avec des boules noires dessus ! :)

    @b.mode merci beaucoup (mais moi quand on me l'a raconté on m'a dit que c'était peut-être bien vrai...)

    @Falconhill ce dernier épisode pouvait aller avec un p'tit déj' en effet, je suis désolé pour celui sur l'usurier, j'espère que tu as pu manger quand même :)

    RépondreSupprimer
  5. Je suis presque triste que ce soit fini... Fais en un roman !!

    RépondreSupprimer
  6. Un roman ?! mais j'ai pas l'temps ma bonne dame!

    RépondreSupprimer
  7. C'est loin d'être facile de réaliser un feuilleton sur un blog et d'être suivi par ses lecteurs. Encore bravo !

    RépondreSupprimer
  8. ah oui, bravo!
    à défaut de roman, il y aura peut-être d'autres feuilletons?

    RépondreSupprimer
  9. @Mtislav merci beaucoup, surtout quand les lectrices et lecteurs ont votre qualité !

    @Tulipe on verra bien, des fois j'aime bien laisser aller mon imagination, ça dérouille les doigts

    RépondreSupprimer
  10. Suite et fin (lue en retard comme d'hab!)
    Elle m'a bien plu cette histoire... Tu en as d'autre en réserve ???

    RépondreSupprimer
  11. @Mlle Cigüe merci beaucoup
    d'autres ? oh ben on verra, mais sûrement : j'aime bien aussi parler d'autres choses sans lien avec l'actualité ou le 3615MYLIFE :)

    RépondreSupprimer

laissez moi un commentaire, ça fait toujours plaisir

(ne vous fâchez pas par contre, j'ai modéré les commentaires pour les billets ayant plus de 5 jours)